"Une souris verte" : Interprétation alchimique de la comptine

Plongez dans une interprétation alchimique de cette comptine enfantine, révélant des vérités cachées et des enseignements secrets enfouis dans les mots.

SCIENCES HERMÉTIQUES

Alexandre CHANE

3/22/20259 min read

Les comptines pour enfants, avec leur simplicité apparente, ont souvent été reléguées au rang de divertissement léger, destinées à bercer l'enfance sans grande profondeur. Pourtant, derrière les rimes innocentes et les vers chantonnés se cachent parfois des trésors de sagesse ancienne, des messages codés qui, pour ceux qui savent lire entre les lignes, révèlent des connaissances bien plus profondes.

L'une de ces comptines, "Une souris verte", a traversé les générations sans dévoiler ses secrets, laissant perplexes ceux qui cherchaient à en comprendre le sens. Ce texte, énigmatique en apparence, pourrait en réalité dissimuler des enseignements hermétiques, ancrés dans la tradition alchimique.

L'alchimie, cette science ancienne mêlant philosophie, mysticisme et expérimentation, a souvent utilisé un langage crypté pour transmettre ses savoirs, protégeant ainsi ses secrets des profanes. Ce langage, connu sous le nom de "langue des oiseaux", repose sur les jeux de mots, les homophonies et les associations symboliques pour communiquer des idées complexes et souvent ésotériques.

Dans cet article, la comptine "Une souris verte" sera revisitée à travers le prisme de la langue des oiseaux. Loin d’être une simple chansonnette pour enfants, cette comptine pourrait dissimuler des éléments de la tradition hermétique sous des mots innocents. En adoptant un angle de perspective différent, ce qui semblait incompréhensible pourrait soudainement révéler un sens profond.

“Une souris verte
Qui courait dans l'herbe
Je l'attrape par la queue
Je la montre à ces messieurs
Ces messieurs me disent :
Trempez-la dans l'huile,
Trempez-la dans l'eau,
Ça fera un escargot tout chaud.”

Un savoir profond, invisible et subtil,
Court dans le vent, insaisissable et agile.
Je le capte et le taille, avec une main experte,
Puis l'élève aux cieux, pour une réponse certaine.

Les cieux me chuchotent : Immerge-le dans l'esprit,
Immerge-le dans l'âme, Et de là naîtra la pierre,
La lumière intérieure, Source de tout savoir.

Ma traduction en Sestain Alexandrin

Version originale

Le début de cette comptine nous plonge immédiatement dans les symboles alchimiques. Le vert, premièrement, est une couleur profondément liée à l’alchimie, souvent associée aux connaissances cachées et aux secrets de la nature. Le vert représente le savoir occulte, dissimulé aux yeux de ceux qui ne savent pas où chercher.

La souris, un animal qui se déplace rapidement et de manière furtive, renforce cette idée d'une connaissance insaisissable, difficile à saisir. Elle se fond dans l’herbe, elle-même verte, ce qui la rend encore plus difficile à percevoir. Cette image de la souris qui court dans l’herbe suggère ainsi un savoir qui circule discrètement, échappant à la vue de ceux qui ne sont pas attentifs.

En utilisant le langage des oiseaux, où les sons et les mots sont des indices, nous entendons dans les termes "vert" et "herbe" le son "-AIR" (v-AIR-t et h-AIR-be). Cela nous mène à une autre couche de signification : l’idée que ce savoir caché circule dans les airs, invisible et insaisissable, tel un secret bien gardé par la nature elle-même.

De plus, c’est la phonétique de "souris" qui nous invite à sourire : le jeu de sonorités entre "souris" et "sourire" évoque la joie et le bonheur associés à la découverte de ce savoir secret. Cette première phrase de la comptine pourrait alors se traduire par l’idée qu’un secret, une connaissance cachée, circule discrètement dans l'air, insaisissable, mais promettant de grandes révélations et de la joie à celui qui parviendra à l'attraper.

" Une souris verte qui courait dans l'herbe "

" Je l'attrape par la queue "

La phrase "je l'attrape par la queue" peut être analysée en s'appuyant sur le jeu de mots entre "queue" et "queux." Étymologiquement, le terme "queux" provient du latin "coquus," qui signifie cuisinier. Au Moyen Âge, le "queux" désignait le chef cuisinier, un titre qui impliquait un haut niveau d'expertise et de savoir-faire dans l'art de préparer les repas. Avec le temps, le mot "queux" est devenu synonyme de "maître queux," un chef cuisinier reconnu pour son autorité et sa maîtrise dans son domaine.

Dans un contexte alchimique, "queux" fait aussi référence à la pierre à aiguiser, un outil indispensable pour affûter les lames. Cet instrument symbolise la finesse et la précision nécessaires pour tailler et perfectionner une matière brute, une métaphore pour le travail spirituel ou intellectuel que l'alchimiste doit accomplir. Ainsi, "attraper par la queux" évoque non seulement l'idée de saisir quelque chose de subtil et insaisissable, mais aussi de le tailler avec précision et maîtrise, afin d'atteindre une forme de perfection ou de révéler un secret caché.

En se fondant sur l’étymologie de "queux" (cuisinier expert) et le rôle de la pierre à aiguiser, "attraper par la queue" peut représenter le processus d'acquisition et de maîtrise des connaissances. Cela symbolise l’effort d’un individu pour se perfectionner et affiner son savoir, tout comme on aiguiserait un outil pour en améliorer l'efficacité.

Le maître-queux

" Je l'a montre à ces messieurs,
Ces messieurs me disent "

Dans cette partie, le mot "messieurs" se lit comme "mes cieux." Cette interprétation suggère un acte de présentation de ses connaissances ou réalisations à une instance supérieure, symbolisée par les cieux. Le terme "cieux" renvoie à l'idée de se tourner vers le divin ou une sagesse transcendantale. D’un point de vue psychanalytique jungien, cette étape représente le moment où l'individu se tourne vers le Soi, une instance intérieure plus profonde et plus sage, qui consiste à faire passer l'inconscience vers la conscience.

Le dialogue symbolique, "ces messieurs me disent," peut être interprété comme la réponse que l'on reçoit de cette autorité supérieure. En résumé, cette partie de la comptine symbolise le processus de présentation de ses acquis à une entité supérieure, qu'il s'agisse de la divinité, de la sagesse transcendante, ou du Soi intérieur.

" Trempez-la dans l'eau,
Trempez-la dans l'huile "

Dans cette partie de la comptine, les mots "trempez-la" peuvent être entendus comme "trempez là", suggérant un processus d'immersion ou de transformation. En alchimie, l'eau et l'huile sont souvent utilisées pour symboliser des principes opposés mais complémentaires, un peu comme le yin et le yang.

L'eau représente la fluidité, la réceptivité et la passivité. Elle est associée à la dimension féminine et émotionnelle. En alchimie, l'eau est liée au mercure, un élément symbolisant la capacité à dissoudre et transformer les substances. Le mercure, souvent associé à l'esprit universel, joue un rôle dans le processus de purification et de transformation. Cette image de l'eau met en avant une énergie féminine, fluide et adaptative.

L'huile, en revanche, est difficile à mélanger avec d'autres substances. Elle symbolise la stabilité, la persistance et la fixation. L'huile est liée au souffre, un principe masculin représentant l'action, la chaleur et la lumière intérieure. Contrairement à l'eau, l'huile résiste à la dissolution et conserve l'essence des choses. Cette image de l'huile évoque une énergie masculine, fixe et dynamique.

En alchimie, l'union du souffre et du mercure représente la fusion de ces principes opposés pour atteindre l'équilibre et la transformation spirituelle. L'eau et le mercure incarnent des énergies fluides et réceptives, tandis que l'huile et le souffre incarnent des énergies fixes et actives. Cette union des contraires permet de créer une harmonie et de réaliser des transformations profondes.

En résumé, l'eau et l'huile illustrent des forces complémentaires : l'eau pour la fluidité et la transformation, incarnant l'énergie féminine, et l'huile pour la stabilité et la persistance, incarnant l'énergie masculine. Leur combinaison représente l'intégration de ces énergies opposées pour atteindre l'équilibre et une transformation spirituelle complète.

"Ca fera un escargot tout chaud !"

Dans cette dernière partie de la comptine, le mot "escargot" porte des significations alchimiques profondes, en grande partie grâce à son étymologie. En décomposant le terme, on découvre des éléments clés du symbolisme alchimique. Le mot "escargot" intègre le son "gale" (ancienne prononciation), qui évoque la pierre en vieux français. Cette connexion au concept de pierre indique une matière solide et stable. De plus, le préfixe "escar" dans "escargot" est associé à la notion de brûlure en vieux français, évoquant une substance ayant subi une intense chaleur. Cette association renvoie à la purification et à la transformation par le feu, des processus essentiels en alchimie.

Le mot "escargot" fait également écho aux "escarbilles," de petites étincelles ou fragments incandescents, rappelant le rôle crucial du feu dans les transformations alchimiques. L'"escarboucle," une pierre précieuse rouge, renforce cette symbolique en représentant le feu et la transformation, tout en étant liée à la pierre philosophale en alchimie. Cette pierre mythique est censée transformer les métaux de base en or et offrir l'immortalité.

En somme, "un escargot tout chaud" symbolise la pierre philosophale, résultat ultime du processus alchimique de purification et de transformation par le feu. Cette métaphore représente la substance précieuse obtenue après avoir soumis les éléments bruts à un processus intense de transformation.

La comptine "Une souris verte," apparemment anodine, révèle sous sa simplicité une profondeur alchimique inattendue. Elle évoque un savoir ancien, caché et insaisissable pour les sens ordinaires, qui touche à la réalisation de l'être authentique. Ce savoir secret nous invite à nous inspirer du modèle de la nature, qui, dans sa sagesse intrinsèque, manifeste une capacité extraordinaire à intégrer les contraires en une dynamique harmonieuse de complémentarité. La nature, en effet, nous offre d'innombrables exemples d'intégration des opposés : le jour succédant à la nuit, le feu et l'eau se côtoyant dans un équilibre précaire mais nécessaire, la vie et la mort formant les deux faces d'une même réalité cyclique. Ces oppositions, loin de s'annuler, coexistent dans un ordre cosmique où chaque élément trouve son sens et sa raison d’être.

L’assimilation de cette unité des contraires au sein de la psyché humaine est porteuse de santé, d’équilibre, et d'évolution. Carl Jung, par exemple, soulignait l'importance d'unir l'ombre et la lumière, les aspects conscients et inconscients de la personnalité, pour atteindre l'individuation, c'est-à-dire l'accomplissement du Soi. Accepter et intégrer en soi ces forces opposées — ses désirs et ses craintes, ses forces et ses faiblesses — est un chemin vers une psyché harmonieuse, capable de tolérance, d'ouverture et d'empathie. Si la société favorisait cette intégration au lieu de standardiser les pensées dans une uniformité rigide, nous verrions naître des individus véritablement libres, capables d’embrasser la diversité des perspectives. Une telle transformation sociétale pourrait conduire à un monde fondé sur la compréhension mutuelle et l’empathie, réduisant ainsi les conflits issus de l’incompréhension et de la rigidité dogmatique.

Le contraste entre la simplicité apparente de cette comptine et la profondeur de ses significations est frappant. Il est évident que ni les enfants, ni même la plupart des adultes, ne peuvent saisir ces concepts alchimiques sans un éclairage hermétique, souvent jugé désuet ou inaccessible à travers les représentations modernes du monde. Pourtant, cette comptine a traversé les siècles, véhiculée par des générations de parents qui, peut-être sans en comprendre pleinement le sens, ont instinctivement perçu l’importance du message qu’elle porte. C’est comme si, inconsciemment, ils avaient ressenti la nécessité de transmettre cette sagesse voilée, préservant ainsi un savoir essentiel à travers les âges.

Au cœur de cette comptine se trouve non seulement une ode à l'intégration des opposés, mais aussi une mise en avant du dicton alchimique "spiritus, anima, corpus" (esprit, âme, corps), qui évoque la tripartition fondamentale de l'être humain. Cette triade correspond aux trois principes alchimiques : le mercure (l'esprit, volatil et mobile), le soufre (l'âme, principe de passion et d’énergie), et le sel (le corps, structure solide et stable). Ces trois principes sont en perpétuelle interaction, où le mercure équilibre et relie le soufre et le sel, permettant ainsi l’unité dans la multiplicité.

Ainsi, "Une souris verte" dépasse largement le cadre de la simple comptine enfantine. Elle est le témoin discret d'une sagesse alchimique, une leçon voilée sur l'intégration des contraires, et une illustration de la triade essentielle de l'homme : esprit, âme, corps. Si nous parvenions à comprendre et à intégrer ces enseignements, non seulement nous évoluerions individuellement, mais nous pourrions aussi transformer la société en un espace de compréhension, d'empathie, et de véritable humanité.

Conclusion